070115

Il va falloir passer à des actes, des vrais, tous les jours, chacun chez soi, chacun pour soi, ailleurs que sur la toile. Il va falloir lire des livres et penser. Se réunir pour parler et interroger les fondements éthiques de notre société. Cesser de remettre à demain, ou aux autres. La démocratie à ceci de confortable que finalement ce sont toujours d’autres que nous même qui devraient prendre les décisions et agir. Et nous, on attend, le cul devant la télé à bouffer des chips et à donner notre opinion en parlant au chien ou à la télé elle même. Elle est belle notre liberté. 
 Quelles sont ces valeurs autour desquelles nous sommes censés aujourd’hui faire union nationale ? Dans quoi s’incarne-t-elle hormis dans des mots épouvantails que l’on agite depuis la révolution française, comme s’ils étaient magiques, comme si ces incantations suffisaient. 
Il est peut être temps d’en discuter ailleurs que sur des plateaux de télés ou à la radio. C’est à dire en discuter vraiment, nous. Et ensuite ajuster des actes à tout ça. Maintenant.
La démocratie ne dispense pas d’exercer notre responsabilité individuelle. 
Il ne s’agit plus de se prendre en photo avec un crayon de papier dans les mains ou entre les dents. Qu’avons-nous à dire, à écrire, à dessiner qui bâtisse un horizon vivable ? Et faut il écrire pour qui ne sait pas lire ?
Qu’avons nous fait, ou pas fait, collectivement pour que de jeunes français, arabes, européens, de jeunes hommes s’engagent dans le djihâd ? La société qui fait défaut est responsable de la barbarie. Nous sommes peut être Charlie, mais nous sommes aussi les hommes encagoulés. C’est plus dur à admettre peut être, parce que les sauvages, les barbares, ce sont toujours les autres, n’est-ce-pas ? Mais tout ça c’est nous, pas seulement les victimes. 
Et ça, vraiment, ça me fait pleurer.
C’est une guerre contre nous mêmes que nous devons livrer. Nos paresses, nos compromissions, nos sécurités illusoires. Nous devons nous redresser à l’intérieur de nous même. 
Je préfère ce slogan « Idle no more »qui est celui de la révolte des peuples autochtones écrasés par la colonisation occidentale qui n’a pas de cesse. « Plus jamais l’inaction » « En finir avec l’inertie »
En France, au XXIeme siècle, ça pourrait commencer par apprendre à lire, apprendre à penser, apprendre à se parler, apprendre respecter l’humain dans l’homme.

Nous vivons tous sur la même planète

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Montréal. Nous y voilà. Nous y revoilà, pour une sorte de voyage d’étude autour d’un projet qui porte le nom de Monasphère. Il s’agira d’un atelier de créations scéniques autour d’un roman. Catherine Redelsperger, avec qui je fais ce voyage, écrit … Lire la suite

Les Chefs

Ricardo Flores Magón (16 septembre 1874 – 21 novembre 1922) est un révolutionnaire mexicain, né à Eloxochitlán dans l’État d’Oaxaca, au Mexique, et décédé au pénitencier de Leavenworth dans le Kansas, aux États-Unis.

texte publié dans le journal qu’il a fondé, Regeneracion, le 15 juin 1912

« Il ne faut pas former une masse, inutile de reproduire les préjugés, les préoccupations, les erreurs et les coutumes qui caractérisent les foules aveugles. La masse est fermement convaincue qu’il lui faut un chef ou un guide pour la mener à son destin. Vers la liberté ou vers la tyrannie, peu importe: elle veut être guidée, avec la carotte ou avec le bâton.
Cette habitude si tenace est source de nombreux maux nuisibles à l’émancipation de l’être humain: elle place sa vie, son honneur, son bien-être, son avenir, sa liberté entre les mains de celui qu’elle fait chef. C’est lui qui doit penser pour tous, c’est lui qui est chargé du bien- être et de la liberté du peuple en général comme de chaque individu en particulier.
C’est ainsi que des milliers de cerveaux ne pensent pas puisque c’est le chef qui est chargé de le faire. Les masses deviennent donc passives, ne prennent aucune initiative et se traînent dans une existence de troupeau. Ce troupeau, les politiciens et tous ceux qui aspirent à des postes publics le flattent au moment des élections pour ensuite mieux le tromper une fois qu’elles sont passées. Les ambitieux le trompent à coups de promesses au cours des périodes révolutionnaires pour récompenser ensuite ses sacrifices à coups de pieds une fois la victoire obtenue.

Il ne faut pas former une masse.

Il faut former un ensemble d’individus pensants, unis pour atteindre des fins communes à tous mais où chacun, homme ou femme, pense avec sa propre tête et s’efforce de donner son opinion sur ce qu’il convient de faire pour réaliser nos aspirations communes, qui ne sont autres que la liberté et le bien-être de tous fondés sur la liberté et le bien-être de chacun.

Pour parvenir à cela, il est nécessaire de détruire ce qui s’y oppose : l’inégalité. Il faut faire en sorte que la terre, les outils, les machines, les provisions, les maisons et tout ce qui existe, qu’il s’agisse du produit de la nature ou de l’intelligence humaine, passent du peu de mains qui les détiennent actuellement aux mains de tous, femmes ou hommes, pour produire en commun, chacun selon ses forces et ses aptitudes, et consommer selon ses besoins.

Pour y parvenir, nul besoin de chefs. Bien au contraire, ils constituent un obstacle puisque le chef veut dominer, il veut qu’on lui obéisse, il veut être au-dessus de tout le monde. Jamais aucun chef ne pourra voir d’un bon œil la volonté des pauvres d’instaurer un système social basé sur l’égalité économique, politique et sociale. Un tel système ne garantit pas aux chefs la vie oisive et facile, pleine d’honneur et de gloire qu’ils souhaitent mener aux dépends des sacrifices des humbles. Ainsi donc, frères mexicains, agissez par vous-même pour mettre en pratique les principes généreux du manifeste du 23 septembre 1911.
Nous ne nous considérons pas comme vos chefs et nous serions attristés que vous voyiez en nous des chefs à suivre sans lesquels vous n’arriveriez pas à agir pour la révolution. Nous sommes sur le point d’aller au bagne, non parce que nous sommes des criminels, mais parce que nous ne nous vendons ni aux riches ni à l’autorité, parce que nous ne voulons pas devenir vos tyrans en acceptant des postes publics ou des liasses de billets de banque pour nous convertir en bourgeois et exploiter vos bras. Nous ne nous considérons pas comme vos chefs mais comme vos frères, et nous irons au bagne le cœur plus léger si, en vous comportant comme des travailleurs conscients, vous ne changiez pas d’attitude face au capital et à l’autorité. Ne soyez pas une masse, mexicains, ne soyez pas la foule qui suit le politicien, le bourgeois ou le caudillo militaire. Pensez chacun avec votre tête et œuvrez selon ce que dicte votre pensée.
Ne vous découragez pas lorsque nous serons séparés par les noires portes du bagne, car seules nos paroles amicales vous manqueront, rien de plus. Des compagnons continuent à publier Regeneración : offrez-leur votre aide pour poursuivre cette œuvre de propagande qui doit être toujours plus vaste et plus radicale.
Ne faites pas comme l’année dernière lorsqu’on nous a arrêtés et que votre enthousiasme s’est refroidi, que s’est affaiblie votre volonté de participer par tous les moyens possibles à la destruction du système capitaliste et autoritaire et que seuls quelques uns sont restés fermes. Soyez fermes à présent ! Ne restez pas focalisés sur nos personnes et, avec un brio renouvelé, offrez votre aide matérielle et personnelle à la révolution des pauvres contre les riches et l’autorité.
Que chacun d’entre vous soit son propre chef pour que nul n’ait besoin de vous pousser à continuer la lutte. Ne nommez pas de dirigeants, prenez simplement possession de la terre et de tout ce qui existe, produisez sans maître ni autorité.
La paix arrivera ainsi en étant le résultat naturel du bien-être et de la liberté de tous. Si, à l’inverse, troublés par la maudite éducation bourgeoise qui nous fait croire qu’il est impossible de vivre sans chef, vous permettez qu’un nouveau gouvernant vienne une fois encore se poser au-dessus de vos fortes épaules, la guerre continuera parce que les mêmes maux continueront à exister et à vous faire prendre les armes : la misère et la tyrannie.

Lisez notre manifeste du 23 septembre 1911 !

Mort au capital !

Mort à l’autorité !

Terre et Liberté !  »

 

source : éditions Ruptures / Nefac, Montréal

Ils marchaient sans se mouvoir

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Immense espace humide. Immense espace propice.

Les prophéties de Léonard de Vinci dans nos têtes, griffonnées sur des bouts de carnets, apprises par coeur.

Ils marchaient sans se mouvoir…

Les prophéties à la fois convoquent, conjurent et déjouent les peurs et les catastrophes, les associant souvent à la trivialité d’une devinette. Karin avait écrit que nous nous intéresserions à la dimension énigmatique, à la tension entre cruauté et vérité, en nous laissant inspirer par les prophéties pour engendrer des actions fortes. Façon de travailler à déjouer peurs et catastrophes, à notre manière. Chacun avait plus ou moins réfléchi, plus ou moins lu. Chacun disait son désir, sa curiosité, sa peur de participer à ce qui allait se tramer pendant la semaine. Ne nous connaissant pas ou très peu entre nous, il nous faudrait fabriquer de la « matière à spectacle », en peu de temps, sur un sujet prétexte plutôt flou.

Ce fut fluide et intense. Chaleureux. Magique. Luxueux. Aucun d’entre nous n’aurait voulu que ça se termine. Nous avions tous la certitude de participer à une grande aventure, de construire quelque chose d’important, qui dépassait l’enjeu d’une performance, ou d’un spectacle.

Les spectateurs ont ressenti la même chose.

Quel est cet indéfinissable ? Qu’est-ce qui a été vécu là, et qui a nourrit nos âmes si fort ?

Une sorte de chemin s’est inventé sous nos pas, un chemin ensemble, un chemin qui nous ressemblait et nous emmenait plus loin, sur un territoire dont la carte n’existe pas. Nous étions au coeur de l’intuition, du don, de la gratuité, de l’éphémère, de la vulnérabilité. En agissant, en marchant, en nous déplaçant, nous apprenions à nous connaitre et c’était comme si nous nous apprenions à nous même notre propre langue. Chacun était là par la force de son désir, sans obligation d’aucune sorte, sans enjeu majeur ni contrepartie financière, au fin fond de la haute-marne.

En 2006, alors que je répétais un autre spectacle dans ce même lieu, l’importance symbolique de la faille barrant le mur de pierre de l’immense grange m’avait obsédée. Nous avions filmé un homme marchant dans le désert. Lorsque nous avons projeté le film sur la roche, la présence de la faille donnait l’impression que le personnage marchait exactement au dessus d’un gouffre.  Il me semblait alors que c’était là le propre de l’art, cette propension à vouloir marcher au bord des gouffres et à en tirer de la joie et du sens.

Dans une certaine mesure, monter sur scène, faire des spectacles, des performances, ce n’est pas exprimer une vision du monde, mais témoigner de la manière dont le monde entre en nous.  Violemment, absurdement bien souvent. Le monde s’engouffre dans nos failles, nos faiblesses, nos questions, nous assénant ses réponses…. Et de cela, de ce viol, nous inventons chaque fois, chaque jour la langue pour le dire. Une langue des actes et des gestes, et qui emprunte parfois les mots des autres. Une pensée par les pieds, les mains, les coeurs, les colonnes vertébrales, les centres de gravité.  Pour résister à l’envahissement de l’absurde, de la violence, de la bêtise et de la peur. Ne pas rester figé-enseveli sous le poids du monde qui nous rentre dedans, avec ses tonnes de gravas, ses poussière et ses cendres, mais oui, traduire, organiser, trier, peser, voir, entendre, mettre à distance, réorganiser, rire, transformer, chercher dedans tout ça, le beau. Sans quoi nous ne pourrons plus respirer.

Un grand corps vivant a pris naissance.

Par le désir de se mettre au service d’une chose plus grande que soi-même, mais qui ne se ferait pas sans nous, sans moi, sans toi. A la place que nous avons choisie. Par le respect absolu de la place, du rôle et de la parole de chacun. Par le fait que personne n’a prétendu détenir un savoir que les autres n’auraient pas. Parce que chacun à d’abord écouté les autres. Et parce que chacun savait et reconnaissait sa propre fragilité et ses doutes et ceux des autres. Tout cela qui réunit les conditions de la confiance. (Et tout ce que je n’ai pas vu, saisi ou pas encore compris.)

Rapidité, fluidité, calme, urgence, suspension, immobilité. Accorder les respirations, sentir le rythme. Intelligence organique manifeste et fécondité de la fragilité.

On dirait que le grand corps vient de commencer à se mouvoir.

photos de Lidwine Prolonge

coming soon….La Voisine

visuel#voisine
photo Enzo Mondejar

La poésie est de l’air qu’on respire. Elle est vitale et nécessaire, pour nous laver des échanges verbaux vides de sens qui inondent notre quotidien. La poésie nettoie, régénère, encourage et redonne de la dignité.

Elle est acte de résistance à la barbarie, elle est douce, elle est vraie, elle est sans appel et sans compromission.

Elle dit ce que nous ne saurions dire.

Comme la marionnette incarne qui nous ne savons être, et que nous sommes pourtant, profondément.

La marionnette peut faire l’économie du quotidien, et nous attraper par surprise, toute différente et toute proche…Nous l’avons baptisée la Voisine pour cela : parce qu’elle est différente, et toute proche.

Sa manière d’exister lui est propre. Elle annonce sa présence en dispersant ici ou là, des poèmes. Parfois, elle les pose sur les murs, avec de la mousse végétale, et l’on se réveille dans un nouveau décor.

Elle chuchote à l’oreille, elle crie sur tous les toits.

Elle est là, et surtout, là où on ne l’attend pas….

La Voisine est une marionnette portée de taille humaine, qui déambule dans les villages, dans les salles d’attentes, les files d’attentes, les marchés, les jardins, les expositions, les mariages,  pour distribuer et déposer dans les oreilles et les poches de qui veut, des Haïkus, petits poèmes de trois lignes qui font briller le quotidien, légers comme des bulles de savons, et des poèmes de femmes du monde entier…

 

INTERMITTENTS

Benoit Heitz

J’ai éprouvé le besoin de penser cette question hors de la cacophonie ambiante.

En me documentant, j’ai trouvé ces deux articles qui, tout en étant proches dans leur analyse, apportent avec beaucoup de finesse et d’intelligence leur point de vue propre sur la question avec des références de travail diversifiées qui permettront je pense, à chacun, de forger sa propre opinion.

Pour Mathieu Grégoire, la question de l’intermittence « est un sujet aux enjeux énormes que les intermittents abordent et révèlent : la constitution de droits pour les salariés à emploi discontinu, c’est-à-dire des droits qui déconnectent le salaire de l’emploi et assurent une continuité des ressources malgré une discontinuité de l’emploi.
Il n’y a pas d’autres solutions si on veut cesser de promettre aux millions de salariés au chômage ou dans la précarité un CDI pour tous. »

Edwy Plenel introduit la question ainsi : « Le combat des intermittents du…

Voir l’article original 68 mots de plus

Un citoyen repenti à son député

lettre que j’enverrai moi-même à mon député ! A partager, rebloguer et s’approprier sans modération

Benoit Heitz

Monsieur le Député,

 Tout commença il y a quelques mois à la lecture d’une information sur le traité de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Europe. Ce traité, pour faire court, a pour but d’éliminer les « obstacles réglementaires inutiles au commerce » et donc de soumettre les États européens aux décisions des multinationales américaines.

D’après l’article de Jean-Luc Porquet, paru dans le Canard enchaîné du 19/3/2014, nous en sommes aujourd’hui à finaliser ce traité – François Hollande aurait dit devant Obama qu’il souhaitait sa ratification « le plus vite possible » -.

Un accord de même type a été signé entre les États-Unis, le Canada et le Mexique : « En vingt ans, le Canada a été attaqué 30 fois par des firmes privées américaines, le plus souvent pour contester des mesures en vue de protéger la santé publique ou l’environnement, ou pour promouvoir des énergies alternatives. Le Canada a perdu 30 fois. » 

Voir l’article original 2 012 mots de plus

parenthèse du temps

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Du silence.  L’immobilité des choses, des meubles, la suspension. Un tableau posé contre un fauteuil, une autruche empaillée qui se reflète dans un miroir, des vases de Chine, des tissus, des tentures, des livres.

Ici le temps s’est arrêté. La vie a oublié d’y venir depuis deux tiers de siècle. Tout est confit dans la poussière. On y a oublié jusqu’à un tableau de maître, qui sera vendu aux enchères très cher.
Les volets sont fermés depuis soixante dix ans. Depuis 70 ans, la lumière du jour n’est pas entrée ; c’est une grotte, une caverne, une forme de préhistoire.
Ici on peut comme… toucher la mort avec ses doigts. Et parce qu’on ne peut concevoir complètement que la matière survive à l’âme, on imagine qu’une femme va entrer dans la pièce. Dans ce lieu figé dans l’éternité, on pense à l’Invention de Morel, d’Adolfo Bioy Casarès. Une image de cette femme – sa trace, son âme capturée – va se manifester, figée elle aussi dans la répétition immobile de ce que fut sa vie ici. Nous serons les témoins.
Est-ce que les murs, les objets gardent la trace de nos vies ? Est-ce que, le moment venu, ils parlent ? Que nous disent-ils alors ?
L’histoire nous dit que deux femmes ont vécu là, la petite fille et sa grand mère.
La grand-mère était une actrice de la fin du XIX eme siècle. Autrement dit une courtisane. Une magnifique femme à robes, bijoux et amants. La petite-fille une auteur de théâtre, qui a cessé d’écrire à 22 ans. Qui a vécu là. Qui en est partie autour de 1940, et qui a continué à payer le loyer jusqu’en 2010, année de sa mort, sans y être jamais revenue.
Ces deux femmes ont eu chacune deux noms. Enfin, on pense, on n’en est pas sûr, il n’y a pas de trace officielle. La grand-mère était brodeuse sous le nom de Mathilde Beaugiron, et actrice sous celui de Marthe de Florian. La petite s’appelait Solange Beaugiron, mais écrivait sous le nom de Solange Beldo.
Entre ces deux femmes, un homme. Le fils, le père. Henri, ou Gaston. Lui aussi, deux identités : pharmacien et homme de lettre, Beaugiron ou Noé Girbault, habile anagramme de Beaugiron.
Ces identités se confondent, se superposent, nous induisent en erreur peut-être. Une impression de flou enveloppe ces personnages, comme s’ils étaient liés par un secret.
On se plait à imaginer le secret. Et à tenter de comprendre pourquoi Solange n’est jamais revenue.
Les œuvres de Noé et Solange sont tombées dans l’oubli. Personne ne sait plus quand Marthe est morte, ni si Gaston et Henri sont la même personne, ni même si cette Solange est bien la petite fille de Marthe. Pas de trace du nom de la dernière propriétaire dans la presse…secret gardé. Silence.
Cette histoire m’inspire beaucoup…Voilà pour moi le sujet sans doute d’un prochain projet 🙂

source : huffington post

nie wiem…

Marcher dans la forêt, entrer dans un théâtre.

Le silence de ces lieux est comme la promesse d’une vie tapie dans l’ombre, toute proche, fragile.

Quelque chose va nous surprendre, sans que nous sachions quoi, ni quand.

Quelque chose va surgir de l’ombre, dont nous ne serons pas seulement les spectateurs.

Rien ne se passerait sans nous, ni l’irruption du cerf dans le silence de la forêt, ni l’entrée de l’acteur dans la lumière.

A quoi ressemblera cette rencontre, quelle en sera la forme, puis la trace ?

Je ne sais pas. Nul ne peut savoir.

Nie Wiem